On dit souvent que la liberté commence là où s’arrêtent les contraintes.
Et si c’était exactement l’inverse ?
Et si, pour créer librement — une œuvre, un projet, une vie qui nous ressemble — il fallait justement poser un cadre ? Non pas comme une limite, mais comme une invitation. Un espace où l’élan peut se déployer. Une forme qui rend possible l’expression.
Dans cet article, j’ai envie d’explorer avec vous cette idée contre-intuitive :
et si poser un cadre était l’une des conditions de la créativité ?
On imagine parfois que la créativité surgit dans un grand vide, affranchie de toute règle. Mais dans l’expérience, c’est souvent l’inverse : le geste naît dans une forme. Une matière, un cadre, un départ.
Écrire commence par une page, peindre par un support, composer par une mesure.
On ne crée pas à partir de rien, on crée à partir de quelque chose.
Et même quand on dépasse les limites, c’est souvent parce qu’on les connaît, qu’on s’est appuyé·e dessus.
Le débordement n’est puissant que parce qu’il répond à une structure.
La création commence donc par une sorte de pacte : “voici le champ dans lequel je vais explorer.” Et c’est dans cette délimitation que l’imaginaire peut jaillir.
Dans la vie quotidienne, le cadre prend d’autres formes : horaires, obligations, budgets, fatigue, temps partiel ou charge mentale. Des choses concrètes, parfois pesantes.
Et pourtant.
Ce sont aussi des données avec lesquelles composer. Des points de départ, des lignes de crête, des murs contre lesquels prendre appui.
J’ai moi-même été confrontée à cette tension, dans une expérience professionnelle marquante.
Je travaillais pour Genilem, une association suisse qui accompagne les entrepreneurs.
Une mission menée aux côtés d’une équipe profondément engagée auprès des jeunes entrepreneurs innovants, avec qui j’ai eu grand plaisir à travailler — une équipe respectueuse et inspirante, sans laquelle je n’aurais sans doute pas tenu dans cette tension entre cadre institutionnel et convictions personnelles.
Mon mandat consistait à évaluer des projets entrepreneuriaux proposés par des personnes en recherche d’emploi.
Le cadre était clair : à la demande du mandataire, il s’agissait d’évaluer les risques financiers et la faisabilité des projets.
Ce cadre extérieur entrait parfois en tension directe avec mes valeurs profondes.
D’un côté, ma loyauté envers Genilem et mon souci de respecter les consignes du mandataire.
De l’autre, ma conviction que tout vrai rêve mérite d’être écouté, même s’il comporte des zones de risque, même s’il débouche sur un échec. Parce qu’il est source d’apprentissage, de transformation, de force.
Cette tension était mon cadre.
Et c’est à l’intérieur de ce cadre que j’ai dû faire preuve de créativité.
Quand je sentais que le projet naissait d’une pression extérieure ou d’un besoin de rebond, je pouvais m’appuyer sur l’évaluation purement économique.
Et quand j’identifiais un rêve sincère, une envie réelle, je cherchais comment faire vivre cette part vivante du projet, tout en tenant compte des directives imposées.
Il ne s’agissait pas de tricher, ni de forcer.
Plutôt de composer.
De tisser une voie médiane entre ces différents fils de loyauté et d’élan.
Puis le COVID est arrivé. L’élan entrepreneurial s’est ralenti. Et moi, j’ai senti que le temps était venu d’écouter encore plus profondément mon propre rêve.
Ce fut le début d’un autre chemin. Celui qui m’a menée jusqu’ici.
Parfois, une idée surgit. Elle arrive comme un éclair, un souffle, un chuchotement.
Elizabeth Gilbert en parle merveilleusement dans Comme par magie : ces idées flottent dans l’air, disponibles pour qui veut bien les attraper.
Mais attraper une idée ne suffit pas. Pour qu’elle reste, pour qu’elle prenne racine, il faut lui offrir un lieu où s’incarner. Et ce lieu, c’est un cadre.
Ce cadre peut être simple :
un carnet réservé à ce projet-là,
une demi-heure le matin avant que la maison ne s’éveille,
une décision : “je vais écrire, même si je ne sais pas encore quoi”.
C’est un peu comme tendre les bras à une idée : lui montrer qu’on est prêt·e à l’accueillir, pas seulement à rêver d’elle.
Le cadre, c’est le passage de l’élan à l’engagement. Il donne une forme à l’intuition.
Et dans cette forme, on n’a pas besoin d’être parfait·e.
On peut faire faux, raturer, changer d’avis.
Ce qui compte, c’est d’être en lien vivant avec le geste créateur.
C’est une chose de sentir l’élan. Une autre de lui offrir un espace.
Quand on pose un cadre — aussi modeste soit-il — quelque chose bascule : on entre dans le mouvement.
Et ce mouvement-là, nourri par la répétition, par l’engagement, par le réel, peut transformer une envie floue en création vivante.
Voici cinq raisons pour lesquelles le cadre n’est pas un frein, mais le socle de tout ce que tu veux voir advenir :
Le cadre transforme le rêve en action.
Il ne suffit pas d’avoir une idée brillante. Ce qui fait la différence, c’est de lui donner un début d’existence dans la matière : un support, un créneau, une structure.
Le cadre donne un rythme.
Il permet d’installer une régularité, même minime. Une répétition fertile, une pulsation. Et la créativité adore les rendez-vous.
Le cadre libère l’esprit.
Quand la forme est posée (format, durée, limites), l’énergie mentale peut se consacrer à l’essentiel : le contenu, le ressenti, l’élan.
Le cadre rend visible.
Ce qui reste flou dans la tête devient tangible. Une page écrite, une esquisse commencée, une conversation engagée… C’est là. C’est en route.
Le cadre t’invite à composer avec le réel.
Tu crées depuis ta vie, pas en dehors d’elle. Le cadre accueille tes contraintes comme des matériaux. Il ne s’agit plus de fuir, mais de bâtir.
Un projet, une envie, un élan peut-être un peu flou encore, mais bien vivant ?
Je t’invite à y réfléchir un instant… et à poser un premier cadre.
Un petit geste. Une forme. Un rendez-vous.
Quelque chose de concret qui dise à ton désir : “Je t’ai entendu·e. Je suis là.”
Le cadre n’est pas là pour t’enfermer.
Il est là pour accueillir. Pour soutenir ce qui cherche à naître.
Qu’il soit choisi ou imposé par les circonstances, il devient un allié dès l’instant où tu t’en saisis comme d’un point d’appui vivant.
Créer ne commence pas dans un grand vide immaculé.
Créer commence avec ce qu’il y a : tes heures volées au quotidien, un vieux carnet, une idée furtive, une envie pressante.
Alors, si un désir te traverse — écrire, peindre, transmettre, bâtir, transformer —
pose-lui un cadre. Même minuscule. Même imparfait.
C’est souvent tout ce qu’il lui faut pour commencer à exister.
Comme par magie *, Elizabeth Gilbert — Un regard inspirant sur la créativité comme souffle à accueillir, idée à capter, élan à suivre.
À lire en écho :
→ Quand l’erreur devient une ouverture vers le neuf
→ Quand l’acte créateur vaut plus que le résultat
→ Quand la quête du beau freine l’élan créatif
Et si ce thème résonne avec toi, je réfléchis à une future rencontre autour de la créativité vivante.
Ce n’est encore qu’une idée en germination…
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