Pendant longtemps, je me suis demandée pourquoi ma créativité, pourtant si vivante par moments, semblait se tarir brusquement, comme asséchée. Pourquoi certaines périodes étaient-elles si fertiles, et d’autres si stériles, alors que j’essayais pourtant de « rester créative » ?
J’ai fini par comprendre que ce n’était pas une question d’idées, de volonté ou de techniques. C’était une question de posture.
Il existe, me semble-t-il, deux grands chemins de création. Celui de la créativité sous tension, gouvernée par la performance, les attentes, l’obsession du résultat. Et celui de la créativité en reliance, qui naît du lien avec soi, avec le vivant, avec un rythme plus organique, plus doux, plus vrai.
C’est ce chemin-là que je vous propose d’explorer ici. En remontant aux sources de nos injonctions, puis en ouvrant des espaces de respiration, d’écoute, et, qui sait, de jaillissement.
« Sois créatif ! » C’est devenu un mantra dans l’univers professionnel, artistique, scolaire. On demande de l’innovation, de l’originalité, de la productivité créative. Or, la créativité n’est pas une usine à idées.
Nous vivons dans un monde où il faut produire vite, beaucoup, en continu. Même les processus créatifs sont sommés de rentrer dans ce moule. On industrialise l’inspiration, on rationalise le geste, on monétise chaque étincelle.
Mais créer, ce n’est pas simplement générer du contenu. C’est tisser du sens, explorer l’invisible, prendre des chemins de traverse. Et cela demande un tempo bien différent de celui de l’urgence.
Historiquement, notre rapport au temps et à la valeur a été bouleversé par l’émergence du capitalisme industriel. La productivité, la rentabilité, l’efficacité sont devenues les nouveaux dieux. Le repos ? Une faute. Une perte de temps.
Les réseaux sociaux ont aggravé ce phénomène : on ne montre que ce qu’on produit. Pas les temps morts, les doutes, les errances. L’entrepreneuriat est souvent présenté comme un sprint vers le chiffre, le succès visible, la reconnaissance. Même l’art, parfois, cède à cette logique de performance.
On peut y voir un reflet d’une culture qui craint le vide, qui valorise l’action au détriment de l’écoute, et qui oublie que toute chose vivante a besoin de respirer.
Cette course à la performance n’épargne pas le domaine du développement personnel. Paradoxalement, ce qui devait nous aider à nous reconnecter à nous-mêmes devient parfois un nouveau champ d’injonctions : être plus alignée, plus positive, plus inspirante… toujours « plus ».
La recherche du bonheur peut se transformer en quête effrénée. Le bonheur devient un objectif à atteindre, une nouvelle norme. Or, la joie, elle, surgit. Elle n’obéit pas aux to-do lists. Elle jaillit, souvent quand on s’y attend le moins, quand on est pleinement présente à ce qui est.
Ce modèle de « croissance personnelle » perpétue parfois l’idée qu’on ne serait jamais suffisante telle qu’on est. Et la créativité, sous cette pression, se fige. Elle se déconnecte de sa source.
Il y a des moments où tout devient trop. Trop d’objectifs, trop de comparaison, trop de peur de décevoir ou de ne pas être à la hauteur. L’élan qui nous habitait se recroqueville.
On essaie de se forcer, de « repartir », de retrouver le feu sacré. Mais plus on pousse, plus on s’éloigne. Comme si l’âme de notre création se mettait en retrait.
Il m’a fallu un signal fort pour comprendre cela : une fracture au poignet. Mon corps, ma vie, m’ont imposé un arrêt. Je n’avais plus le choix. Et pourtant… même immobilisée, je voulais reprendre. Je me jugeais de trop me reposer, de jouer, de flâner.
Le conditionnement était profond. Et c’est en observant cette lutte en moi que j’ai commencée à changer de regard.
Et si l’on osait l’arrêt ? Non pas comme une fuite ou une paresse, mais comme un choix conscient. Un espace à habiter. Un temps pour se retrouver. Pour se re-lier.
Ralentir, c’est souvent là que tout commence.
Quand le rythme se fait plus lent, un autre espace s’ouvre. On perçoit ce qui était enfoui. Des idées, des élans, des intuitions remontent. Pas à pas. Comme des graines oubliées sous la neige.
Le repos n’est pas du temps perdu. C’est un acte créatif en soi. Il est ce moment où l’on se met en position de capter ce qui nous traverse. D’écouter, vraiment. D’accueillir l’inattendu.
Dans les champs, on laisse parfois la terre en jachère. Elle semble vide, mais en profondeur, elle se régénère. Elle reprend souffle.
Il en est de même en nous. Laisser reposer. Ne rien forcer. Faire confiance que quelque chose travaille en silence.
Ce n’est pas si facile. Lorsque j’ai été contrainte de m’arrêter, j’ai résisté. Je voulais vite reprendre. M’éprouver utile. Ma tête jugeait. Mais petit à petit, j’ai compris que ce temps était précieux.
Des artistes en font même le cœur de leur démarche. La résidence La Jachère, à Roubaix, est un lieu dédié au ralentissement créatif. Le projet Jachères, quant à lui, transforme des friches urbaines en espaces de germination artistique.
Des vides qui deviennent pleins. Des silences qui portent la musique à venir.
Ce retour à soi peut être soutenu par des gestes simples. Des rituels doux. Marcher en forêt. Tenir un journal. Se laisser émerveiller par la lumière sur une feuille. Jouer. Créer sans but.
C’est ainsi que le journal créatif est devenu un de mes compagnons de reliance. Il m’aide à sortir du mental, à laisser parler l’intuition. Et à entendre ces murmures qui mènent vers ce qui me met en joie.
Lorsque l’on cesse de vouloir créer à tout prix, on ouvre un autre espace : celui de la création qui vient à nous.
Elle naît de l’écoute. Du lien. De cette posture humble qui consiste à capter ce qui cherche à naître. Comme un capteur de rêve, suspendu entre ciel et terre, on devient réceptacle.
Créer en reliance, c’est tisser avec le vivant. C’est honorer les cycles. C’est suivre la joie, cette boussole précieuse, même quand elle ne mène pas là où on pensait aller.
Et si l’on cessait de penser la créativité comme une performance à produire, pour la reconnaître comme un souffle à accompagner ?
Sortir de l’injonction. Revenir à son rythme. Ralentir pour mieux créer.
C’est un chemin exigeant, mais libérateur. Il demande du courage, de la confiance, et parfois… une fracture (symbolique ou non) pour enfin lâcher prise.
Mais il ouvre un espace où la création retrouve son sens. Où l’on cesse de fabriquer pour recommencer à capter. Où la joie n’est plus un objectif, mais une réponse.
Alors, prête à ralentir avec moi ?
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Article : Exprimer son rêve profond avec clarté → Parce qu’on capte mieux quand on est connectée à ce qui nous fait vibrer
Elisabeth Gilbert, dans Comme par magie, partage cette idée que les idées sont comme des êtres vivants : elles circulent, cherchent des personnes disponibles pour les accueillir et leur donner forme. Ce regard m’a touchée. Il m’a soufflé qu’il n’est pas nécessaire de forcer, mais plutôt de s’ouvrir, de créer l’espace intérieur propice à leur venue. Une invitation à l’écoute plus qu’à la performance.
« Comme par magie » d’Elizabeth Gilbert
Fabrice Midal, à travers ses prises de parole (même si je n’ai pas lu Foutez-vous la paix), m’a marquée par son appel à relâcher la pression intérieure. Son message résonne avec cette autre manière d’être au monde : moins tendue vers un idéal, plus ancrée dans l’instant. Créer, non pas pour prouver, mais pour être pleinement là.
« Foutez-vous la paix » de Fabrice Midal
La Méthode foutez-vous la paix ! De Fabrice Midal
Paul Lafargue, dont je connais surtout l’esprit à travers le titre provocateur Le Droit à la paresse, m’évoque un contre-pied salutaire à l’obsession du faire. Même sans avoir lu son texte, cette idée m’inspire : et si ralentir, rêver, ne rien faire parfois, était une forme de résistance, une voie vers un autre rapport au temps, à soi, à la vie ?
« Le droit à la paresse » de Paul Lafargue
Projet Jachères (friches artistiques) : https://anpu.fr/projet/jacheres/
Résidence La Jachère (cinéma d’animation) :
https://www.facebook.com/LaJachereResidencedArtistes/
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