Quand l’entropie révèle ton rêve d’âme
I. La magie du vivant
Nous marchions dans la campagne ardéchoise, entre pierres blondes et senteurs de thym.
Anne s’est arrêtée devant un figuier :
— Tu sais comment naissent les figues ?
J’ai balbutié quelque chose sur la pollinisation, avant que Gil, passionné de nature, n’entre dans son élément.
Il a commencé à raconter cette alliance fascinante entre le figuier et une minuscule guêpe : le blastophage.
Un lien d’une précision folle, tissé depuis des millénaires.
La guêpe femelle entre dans la figue par un minuscule orifice, si étroit qu’elle y laisse ses ailes. Elle ne peut pondre que dans les fleurs cachées du figuier sauvage, où ses larves grandissent à l’abri du fruit.
Plus tard, les mâles naissent, fécondent les femelles, creusent un tunnel vers la lumière… puis meurent.
Les femelles s’envolent, couvertes du pollen qu’elles emportent sans le savoir.
Guidées par l’odeur des figuiers domestiques, elles y pénètrent à leur tour — croyant y déposer leurs œufs.
Or, la fleur y est conçue autrement : son architecture empêche la ponte.
Alors la guêpe meurt, prisonnière… et c’est sa traversée qui féconde la fleur.
Sa mort devient fruit.
Et le figuier, alchimiste du vivant, transforme peu à peu son petit corps en nutriments.
Rien n’est perdu, tout est recyclé dans la douceur sucrée du fruit.
Je suis restée suspendue à cette histoire : un monde minuscule, précis, d’une beauté vertigineuse.
Le vivant semble tisser ses alliances comme des prières.
Gil a alors évoqué l’entropie — cette loi étrange selon laquelle tout être vivant, pour créer de l’ordre en lui, produit du désordre autour.
Puis il a glissé vers la physique quantique, parlant d’information, d’âme, de continuité subtile entre la matière et l’invisible.
J’étais fascinée.
Et cette question m’a traversée :
Et si nos chaos intérieurs étaient, eux aussi, des passages nécessaires pour laisser se féconder ce qui cherche à naître en nous ?
II. La science du vivant : créer de l’ordre en générant du désordre
« Tout être vivant, m’explique Gil, se maintient parce qu’il organise son environnement — et, ce faisant, il crée du désordre autour de lui. »
Une tasse de thé chaude finit toujours par se refroidir. La chaleur ne disparaît pas : elle se diffuse dans l’air.
C’est cela, l’entropie.
L’univers tout entier tend vers plus de dispersion, plus de mélange. Et pourtant, au cœur de cette tendance, la vie trouve le moyen de se structurer.
Elle fait jaillir de l’ordre au sein du chaos.
Elle utilise la dissipation d’énergie pour créer de la beauté.
Quand une fleur s’ouvre, quand un fruit mûrit, quand un corps respire, chaque geste de vie consomme de l’énergie et contribue à cet immense mouvement d’équilibre.
Le vivant est une exception : il repousse sans cesse la désorganisation totale, tout en l’alimentant.
C’est ce paradoxe qui le rend si fascinant — et si proche de nous.
Qu’est-ce que l’entropie, au juste ?
Avant de poursuivre, arrêtons-nous un instant sur ce mot un peu étrange : entropie.
Dans le langage des physiciens, c’est la mesure du désordre d’un système.
Tout ce qui existe — une étoile, une tasse de thé, un corps humain — tend naturellement à se désorganiser, à se disperser.
La chaleur quitte la tasse, la matière se décompose, les formes se transforment.
Rien ne se perd, rien ne se crée : tout circule.
Et le miracle, c’est que la vie, elle, réussit à aller à contre-courant.
Pour exister, elle doit sans cesse produire de l’ordre à l’intérieur d’elle-même, et donc… créer du désordre autour.
Chaque battement de cœur, chaque respiration, chaque bourgeon qui s’ouvre génère un peu d’entropie.
Autrement dit : le vivant n’existe qu’en acceptant de collaborer avec le chaos.
“Le vivant n’existe qu’en acceptant de collaborer avec le chaos.”
III. L’entropie intérieure – quand tout se défait pour mieux renaître
Il y a quelques années, j’ai vécu un effondrement personnel qui, sur le moment, m’a paru insensé.
Quelque chose en moi m’appelait à quitter la Suisse, à tout lâcher, en plein confinement.
La raison disait non — la peur aussi. Pourtant, une force plus profonde me poussait à partir.
Une histoire d’amour est venue servir de prétexte, comme un passage obligé.
Et ce passage s’est révélé brutal.
Tout s’est défait : le couple, le logement, les repères.
Je me suis retrouvée seule, dans un lieu que je n’avais pas choisi, arrivée dans l’urgence, au milieu d’un monde figé.
C’était comme si la vie m’avait retiré toutes les formes qui m’avaient structurée jusque-là.
J’avais mal, je ne comprenais pas.
Et pourtant, quelque part au fond, je sentais que cela travaillait.
J’ai voulu avancer, continuer à créer, à bâtir quelque chose qui fasse sens, sans trop savoir comment.
Puis, un jour, mon corps a parlé : un poignet fracturé m’a forcée à m’arrêter.
Impossible de “faire”, de forcer, de prouver.
Il ne restait plus qu’à écouter.
Dans cette immobilité, une autre énergie s’est mise à circuler.
J’ai commencé à percevoir que ce désordre apparent — solitude, douleur, impasse — préparait une réorganisation silencieuse.
De ce chaos sont nés mes projets les plus justes : Capt’Rêve, L’Élan-Vie.
Des espaces qui ne sont pas venus de la volonté, des espaces venus d’un mouvement plus vaste, d’un appel intérieur.
Ce que je prenais pour une chute était en réalité un passage d’entropie : la vie qui détruit une forme devenue trop étroite pour permettre à une autre de naître.
Comme la guêpe du figuier, quelque chose devait mourir pour que la fécondation ait lieu.
Quand la vie d’une autre se réorganise
Je repense souvent à Évelyne.
Dix-sept ans de vie commune, deux enfants déjà grands, et ce moment où plus rien ne tenait.
Le lien avec son compagnon s’était effiloché, rongé par l’alcool et l’épuisement.
Ses enfants s’éloignaient.
Elle sentait bien que si elle restait, quelque chose en elle s’éteindrait lentement.
Et pourtant, la peur la paralysait : peur de manquer, de décevoir, de se retrouver seule.
Je l’ai accompagnée dans ce passage.
Nous avons pris le temps de nommer ses désirs véritables, de distinguer la fidélité à l’autre de la fidélité à soi.
Peu à peu, elle a rassemblé son courage, sa force, sa dignité.
Un jour, elle est partie.
Au début, tout semblait fragile.
Un petit appartement, peu de repères, beaucoup d’émotions.
Et puis la vie a recommencé à circuler : elle a repeint les murs, choisi ses couleurs, recréé son espace.
Elle se sentait à nouveau vivante.
Ses enfants, apaisés, se sont rapprochés d’elle.
Quelques mois plus tard, elle a rencontré un homme différent, avec qui la confiance s’est installée.
Aujourd’hui, elle vit une relation simple, joyeuse, et sait qu’elle s’est retrouvée en se perdant un temps.
Là encore, l’entropie a fait son œuvre.
La désorganisation d’un monde ancien a ouvert la voie à une forme plus juste, plus aimante.
Chaque étape de chaos contenait déjà la promesse d’un nouvel ordre.
IV. Le rêve d’âme : l’intelligence organisatrice du vivant intérieur
Après ces mois de désordre, une autre forme d’organisation s’est mise en place — silencieuse, subtile.
Un jour, alors que je refaisais le Passion Test de Janet Attwood, tout s’est aligné d’un coup.
Je l’avais déjà fait autrefois, pourtant cette fois, quelque chose de plus profond s’est ouvert.
Et toi, as-tu déjà vécu ce moment où tout s’éclaire soudain ?
Où ce que tu croyais séparé — ton travail, tes élans, tes désirs, ton besoin de beauté ou de sens — se révèle comme un seul et même mouvement ?
Ce jour-là, j’ai laissé la méthode se transformer entre mes mains.
J’y ai ajouté mes symboles, mes couleurs, mes dessins.
Et c’est en traçant ces formes sur la feuille — une main, un cœur, des liens lumineux entre des êtres — que tout s’est révélé.
Je voyais devant moi ce que je sentais confusément depuis des mois :
ma créativité, mon besoin de lien, mon désir d’aider les autres à se réaliser, tout cela n’était pas dispersé.
C’était un seul élan, une même source.
J’ai compris que mon rêve d’âme plutôt qu’un objectif à atteindre, était une trame vivante à laisser s’exprimer à travers moi.
Une force d’organisation intérieure, semblable à celle du vivant : elle relie, réunit, harmonise.
Même quand tout semble s’effondrer, elle œuvre dessous, réordonne, fait circuler la lumière dans le chaos.
Si tu veux, tu peux toi aussi explorer ce moment d’alignement à travers la méthode que j’ai partagée ici :
👉 Trouver son rêve d’âme : une méthode simple pour clarifier ce qui compte vraiment
Depuis ce jour, je sais que le rêve d’âme agit comme une loi du vivant : une intelligence invisible qui pousse chaque être vers plus de cohérence, de vérité, de rayonnement.
Il ne nous demande pas de contrôler, seulement d’écouter.
V. Accueillir le désordre comme signe de vie
Depuis cette expérience, je regarde autrement les périodes de confusion.
Ce que j’appelais “perte de sens” ou “crise” n’était pas une erreur de parcours, c’était la vie qui cherchait à se réorganiser.
L’entropie n’est plus pour moi un mot froid de physique : elle est devenue une boussole du vivant.
Elle me rappelle que chaque désordre prépare une forme nouvelle, plus ajustée.
Le chaos, quand on apprend à le traverser, devient un passage.
Un passage vers une version plus organique de soi, plus vraie.
Et quand on cesse de résister, la vie reprend son rythme : elle respire à travers nous, elle crée.
Peut-être que toi aussi, tu traverses ce moment où tout semble se défaire.
Si c’est le cas, rappelle-toi ceci : tu n’es pas en train de perdre ton chemin, tu es en train de le refaçonner.
Ce qui tombe n’est pas inutile, c’est le terreau de la suite.
VI. De l’entropie à l’élan
Tout dans le vivant se transforme.
Une étoile explose pour engendrer d’autres mondes, une fleur se fane pour nourrir la suivante, un cœur se brise parfois pour apprendre à aimer autrement.
Et de ce mouvement naît toujours quelque chose de plus vaste.
Nos vies ne sont pas différentes : elles obéissent à cette même loi d’expansion.
Nos désordres, nos renoncements, nos renaissances forment la respiration de l’âme.
Là où le mental voit un chaos, la vie, elle, prépare un nouvel ordre.
Et si ton rêve d’âme, finalement, n’était rien d’autre que ce mouvement de la vie à travers toi ?
Une invitation à te laisser traverser, à collaborer avec ce qui cherche à naître.
À faire confiance au désordre, parce qu’il sait où il va.


