L’autre jour, en discutant avec une amie, un mot a ressurgi dans notre échange : oisiveté.
Un mot presque désuet, que l’on n’entend plus ou rarement. Je me suis surprise à lui dire que je n’étais plus jamais dans cette situation. Quand je n’ai rien de prévu, je prends mon téléphone, je fais défiler des images, je joue, j’écoute un podcast. Bref, je remplis.

Alors m’est revenue une image marquante : celle d’une vieille dame croisée dans un train de Paris à Lausanne. Pendant quatre heures, elle est restée simplement assise, à regarder le paysage défiler. Pas de téléphone, pas de lecture, juste la présence. Je l’avais trouvée admirable, car moi, je ne me sentais pas capable de rester ainsi, à “ne rien faire”.

Et puis, cette conversation a réveillé un autre souvenir : il y a un an, une fracture du poignet m’avait contrainte à ralentir. J’avais découvert combien il est difficile d’accepter ce vide, et combien il peut pourtant ouvrir une respiration intérieure.

Alors je me suis demandé : et si l’oisiveté, loin d’être une perte de temps, était une clé oubliée pour retrouver de la présence, de la créativité et du sens ?

Qu’est-ce que l’oisiveté aujourd’hui ?

Le dictionnaire définit l’oisiveté comme l’état d’une personne qui ne fait rien.
Le mot sonne vieilli, presque suspect, tant nous avons associé le vide à la paresse. Pourtant, l’oisiveté n’est pas un renoncement. C’est un espace volontairement laissé libre, un temps sans objectif immédiat, où l’on choisit simplement d’être.

Autrefois, elle faisait naturellement partie du quotidien : regarder un feu, contempler un coucher de soleil, s’asseoir sous un arbre. Aujourd’hui, rares sont ces moments de pause. Chaque minute est comblée : messages, notifications, podcasts, réseaux sociaux. Même dans les transports ou en attendant quelqu’un, nous sortons notre téléphone.

Et toi, t’arrive-t-il de passer une journée entière sans jamais lever les yeux d’un écran ou d’une tâche ? Ça m’arrive… et chaque fois je réalise à quel point je me prive d’un souffle essentiel.

Quand la vie nous prive d’oisiveté volontaire

Ce qui m’a frappée en lisant récemment le roman Désolée je suis attendue d’Agnès Martin-Lugand, c’est la ressemblance avec cette question.
L’héroïne est tellement absorbée par son travail qu’elle s’éloigne de sa famille, de ses amis, de tout ce qui lui tenait à cœur. Ses journées sont pleines à craquer. Elle n’a plus de temps, ni pour elle ni pour les autres.

Cela m’a rappelé le témoignage d’une amie qui a vécu plusieurs années dans une communauté religieuse.
Ses journées étaient réglées au millimètre : prières, tâches, obligations, tout était prévu. Elle m’a confié qu’elle n’avait plus aucun espace pour douter, pour réfléchir, pour simplement s’écouter.

Et toi, connais-tu quelqu’un dont la vie est si saturée qu’il ou elle n’a plus d’espace pour souffler ? Peut-être as-tu toi-même déjà senti que tu remplissais tes journées au point de ne plus savoir ce qui est juste pour toi ?

Car c’est bien cela le risque du remplissage : il étouffe notre capacité de recul. Nous fonctionnons en pilote automatique, sans plus sentir ce qui nous nourrit ou nous abîme.